Le conseil d’Etat a rendu son ordonnance ROR677, le jeudi 11 septembre, concernant l’affaire qui opposait le Directeur-coordonnateur de l’organe de gestion CITES (Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de flore sauvages menacées d’extinction), Augustin Ngumbi Amuri, à la ministre de l’environnement et du développement durable, Eve Bazaiba.
Cette ordonnance suspend tous les effets d’un arrêté signé le 28 juin 2023 par la ministre de l’environnement et du développement durable transférant l’organe de gestion CITES de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) à la direction de la Conservation de la Nature ( DCN) du ministère de l’environnement et développement durable.
La même ordonnance suspend également les effets d’une lettre signée toujours par Bazaiba le 18 août 2023 désignant un nouveau coordonnateur pour l’organe de gestion CITES-RDC sans que celui qui est en fonction ne soit affecté ailleurs, révoqué ou sans qu’il n’ait démissionné comme le veut la loi portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat.
En ordonnant la suspension du transfert de la gestion de CITES de l’ICCN au ministère de l’environnement, la plus haute cour administrative du pays motive sa décision par le fait que l’arrêté de la ministre de l’environnement est « illégal » car il modifie « unilatéralement » le décret portant statuts de l’ICCN sans en avoir la compétence.
«Les décisions administratives unilatérales attaquées ont rappelé l’organe de gestion CITES au ministère et désigné un responsable, sans observer les dispositions des articles 8, 24, et 26 du décret n°10/15 du 10 avril 2010 fixant les statuts d’un établissement public dénommé Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, en sigle ICCN. Elles désarticulent le cadre organique de l’ICCN, sans pour autant observer le parallélisme de forme et de compétences. Il se dénote qu’à travers un arrêté ministériel, la deuxième défenderesse (Ministre de l’environnement) s’évertue à modifier un décret du premier ministre, alors qu’il ne lui revient que d’exercer son pouvoir de tutelle par voie d’autorisation préalable, d’approbation, ou d’opposition sur le Conseil d’Administration et/ou la direction générale de cette
structure », lit-on dans cette ordonnance_
En ce qui concerne l’obligation de réhabiliter Augustin Ngumbi dans ses fonctions de directeur-coordonnateur de CITES, le juge argumente que la désignation d’un nouveau coordonnateur prive celui qui est en fonction de son droit de travail en violation de l’article 21 de la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat qui dispose « qu’aucun agent ne peut être privé de son emploi s’il n’a pas reçu une nouvelle affectation, ou s’il n’a pas été placé dans une position d’interruption de services ou s’il n’a pas cessé définitivement ses services pour l’une des causes prévues à l’article 77 de la présente loi ».
« Le juge des référés constate que les décisions prises par la première défenderesse(Ministre de l’environnement) ont pour effet de priver effectivement le demandeur de son emploi. Alors qu’au moment où l’autorité a procédé à la remise et reprise, confirmant ainsi cette privation d’emploi. Le demandeur n’a pas reçu une nouvelle affectation, il n’est pas en position d’interruption de services, il n’a pas non plus cessé à titre définitif ses services tant pour décès, révocation, démission d’office ou volontaire, mise à la retraite, que pour licenciement pour inaptitude physique ou professionnelle », ajoute l’ordonnance.
*La RDC a été mise sur la liste noire de la CITES en janvier 2016 lorsque la direction de la conservation de la nature (DCN) dirigeait la CITES*
Pendant plus de 40 ans (de 1973 à 2016), l’organe de gestion CITES était dirigée par la direction de la conservation de la nature du ministère de l’environnement. C’est pendant cette période que la CITES internationale avait placé la RDC sur la liste noire. Ceci parce que les permis congolais d’exportation des espèces de la faune et de flore étaient trop bradés et que la fraude et les antivaleurs étaient monnaie courantes. Ce bilan macabre a été documenté dans un rapport du Secrétariat de la CITES à la 66e session du Comité permanent tenue à Genève (Suisse) en janvier 2016. Ce rapport est disponible sur le site web de la CITES www.cites.org.
D’après un expert de l’ICCN joint par 7SUR7.CD, l’arrêté de la ministre de l’environnement était de nature à plonger le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages de la RDC dans une suspension générale à cause du retour des mauvaises pratiques alors que la RDC est de mieux en mieux côtée à l’international depuis les 3 dernières années qui a connu l’informatisation de la gestion CITES en RDC grâce à la mise en place d’un système de délivrance électronique des permis CITES en RDC convoité par tous les pays africains et par plusieurs autres pays à travers le monde.
«Pendant que la direction de la conservation de la nature du Ministère de l’environnement dirigeait la CITES, le système de gestion était manuel favorisant la fraude et plusieurs mauvaises pratiques, sans vérification de l’origine légale des espèces de faune et de flores sauvés qui sortaient de la RDC et sans base scientifique solide. Le dépassement des quotas d’exportation annuelle était pratique courante et la RDC avait perdu totalement sa crédibilité. Il n’ y avait aucune maîtrise des questions de la CITES. Il avait fallu que les experts de la CITES internationale recommandent au gouvernement congolais se changer complètement le système de gestion de la CITES en RDC. C’est ce qui a conduit au transfert de l’Organe de Gestion CITES de la direction de la conservation de la nature ( DCN) du Ministère de l’environnement à l’Institut congolais pour la conservation de la nature ( ICCN). Depuis lors, les mesures drastiques ont été prises pour sortir la RDC de la liste noire et le pas a été largement franchi pour en sortir, n’eut été le dernier arrêté signé le 28 juin 2023 par la Ministre d’Etat Bazaiba qui diminue la chance de sortir rapidement de cette liste. Il faudra rassurer la communauté internationale que ce désordre ne va plus se produire en matière de gestion de la CITES en RDC. C’est le Président de la République qui demeure le dernier rempart en signant une ordonnance qui rattaché carrément la CITES à la Présidence de la République car il y aura toujours conflit entre ICCN et Ministère de l’environnement que la CITES. On apprend que l’organe de gestion CITES était encore transféré à l’ICCN en 2007 à l’époque du Ministre Anselme EMERUNGA et retourné au Ministère de l’environnement en 2008 sous le mandat du Ministre Disas Pembe. Transféré encore à l’ICCN en 2017 par le Ministre Ambatobe et retourné à la Direction de la Conservation de la Nature du ministère de l’environnement en 2023 par la Ministre d’Etat Bazaiba, ensuite suspendu par le Conseil d’Etat. Quelles sont les vraies raisons de cette bataille autours de la CITES entre ICCN et son ministère de tutelle? Il faut la Présidence de la République tranche définitivement pour sauver la République et sauvegarder les acquis du passé au cours des quatres dernières années et valoriser les experts congolais en la matière. Maintenant qu’on tente de ramener cette tutelle de la CITES au ministère de l’environnement, tous les efforts consentis par le pays depuis 4 ans risquent d’être anéantis », a-t-il déclaré sous couvert de l’anonymat.
A en croire cet agent, depuis que l’organe de gestion CITES est sous tutelle de l’ICCN, des réformes ont été entreprises pour sortir la RDC de la liste noire. En plus du système de délivrance électronique des permis, il faut ajouter notamment l’élaboration d’un système efficace de vérification de la légalité et de la traçabilité ( Avis d’acquisition légale) sont là RDC est le précurseur, la numérisation du recensement des exploitants de la faune et de flore, la sécurisation des permis CITES par le code QR permettant de détecter facilement la fraude et de retracer les espèces sauvages qui entrent et qui sortent de la RDC.